Les Veilleuses de Vallauris


Ce site présente une collection, qui sera réactualisée au fur et à mesure de son évolution, des lampes-veilleuses Vallauris et Monaco, ou crèches de mer.
Elles représentent un moment de la céramique de la Côte d’Azur que l’on peut dater de la fin des années 50 jusqu’aux années 70. Mais elles s’inscrivent également dans une tradition très ancienne de la poterie du sud de la France, même si elles peuvent être perçues comme une image galvaudée et dévalorisée, voire kitsch, de ce qu’a été la poterie azuréenne du 19e siècle.
Au XIe siècle dèjà, Vallauris (Vallis aurea), est un village prospère. Il deviendra au 16e siècle un des principaux centre de production de céramique du sud de la France et acquiert alors une renommée internationale. Le village attire de nombreux céramistes étrangers, et ce renouvellement de la créativité va permettre une grande diversification de sa production. Dans le même temps, le développement des transports ferroviaires coïncidant avec l’arrivée massive de touristes, va voir cette production, au départ tournée vers l’utilitaire, s’orienter également vers l’artistique et le décoratif. La production de la famille Massier à la fin du 19e siècle illustre bien cette évolution, et l’ancêtre de la lampe–veilleuse se trouve déjà dans ces barbotines naturalistes de papillons, grenouilles, oiseaux, souvent représentés dans leur décor naturel. Il s’agit de pièces décoratives murales ou fonctionnelles (vide-poches, pendules) de tailles diverses, que l’on peut même commander par catalogue, ce qui laisse deviner une production en série, et ce malgré la très grande richesse et variété du catalogue. A cette époque, on compte une trentaine d’usines dans les villages de Vallauris et Golfe Juan.
L’arrivée dans les années 50 d’artistes mondialement reconnus (Picasso, Capron ) qui drainent à leur tour d’autres artistes de passage, libère la créativité des ateliers du poids de la tradition, qui se lancent alors dans un renouveau kitsch, en relation avec la mer toute proche.
Représentations schématisées et naïves (mais qui doivent en partie à Picasso), couleurs criardes et métalliques, encore accentuées par une production de masse à destination d’un public de passage désireux de ramener un souvenir de Vallauris.
Les ateliers embauchent jusqu’à 30 personnes, et s’il s’agit d’une production en série, elle est cependant individualisée par le travail des petites mains, ces ouvrières habiles et rapides qui terminent au pinceau les décors. Avec la raréfaction des veilleuses, due à la fragilité de l’objet, mais surtout à des coûts de production qui augmentent (main d’œuvre, prix de l’or) une longue période de désaffection s’en suivra, l’objet décoratif (lampe-T.V. chez les Américains) n’ayant plus sa place dans des intérieurs tournés vers le design et la modernité.
Pour la petite histoire, la première lampe-veilleuse serait née lorsqu’un potier, ayant fait chuter la barbotine poisson qu’il venait de démouler, eut l’idée devant le ventre brisé et béant du poisson d’y loger une lumière et tout un décor marin, constitué de rochers, d’anémones de mer, et de petits poissons encore dans le ventre de leur mère. Huîtres, moules, coquillages et amphores suivront, toujours avec leurs cohortes d’habitants souvent interchangeables.
Souvent signés (mais pas toujours) d’un simple tampon, (Vallauris ou Vallauris A.M.), parfois au pinceau (dessous mais aussi sur le devant en doré), il n’est que très rarement fait mention de l’atelier. Les regroupements se font alors par formes du moule ou du garnissage, par travail de la couleur des fonds ou des coups de pinceaux, par la similitude du soclage (souvent plein et parfois creux cependant).
Le peu d’estime qu’ont porté les céramistes à leurs œuvres fabriquées rapidement, en série, d’une manière assez stéréotypée, avec très peu de singularité d’un atelier à un autre, font que l’histoire de cette production est très difficile à reconstituer et il est à craindre que tout ce pan de l’histoire de Vallauris ne s’efface avec la disparition des derniers ouvriers.

Les techniques de la barbotine


Le moule :
A partir d’un dessin, le modeleur fabrique un modèle qui débouche sur un moule. Ce moule est testé, éventuellement rectifié, et conduit à la réalisation de la "mère". A partir de cette mère seront coulés les moules de production en plâtre. Ils permettront de couler plusieurs dizaines de tirages, s’useront progressivement et seront alors remplacés par de nouveaux moules de production.

Le coulage :
La barbotine utilisée pour couler la pièce est constituée d’argile, de carbonates et silicates de soude, et d’eau. Longuement délayée, elle est amenée à bonne densité, puis versée dans le moule de fabrication. Le plâtre absorbe l’eau, et par rétraction le moule se détache et libère la pièce. S’en suit une phase d’ébarbage et de séchage.

La cuisson :
Elle s’effectue à 1000°environ, avec une durée de 12 heures. Il est alors nécessaire de refroidir progressivement pendant 20 heures la fournée pour éviter les chocs thermiques.

Le garnissage :
Il s’agit de remplir l’intérieur et l’extérieur de la pièce avec les éléments de son décor. A partir d’une sculpture, l’ouvrier crée un moule en plâtre, qui, rempli de barbotine, sera démoulé presque aussitôt. C’est un travail en série avec des planches entières. Encore souples, ces éléments seront alors collés avec un point de barbotine, opération délicate dont dépend la réussite de la veilleuse.

La décoration :
Les fonds sont peints à l’aérographe. La coloration et les reprises du dessin sont faites au pinceau par des ouvrières spécialisées. Le coût raisonnable de l’or à cette époque à souvent conduit à une utilisation soutenue à Vallauris, mais curieusement pratiquement absente dans le style Monaco.

L’émaillage :
La pièce est trempée ou vaporisée dans le bac d’émail. On effectue enfin une deuxième cuisson à 950°, pendant 7 à 8 heures, avec un même temps de refroidissement que pour la cuisson.

La pièce est alors prête pour le dessus de cheminée ou de télévision dans la plupart des cas. Les esthètes se plongeront dans la contemplation des 15 watts de cette douce lumière colorée et des ombres qu’elle projettera sur les murs et le plafond. Comble du raffinement, une authentique veilleuse ne se conçoit qu’avec sa prise en bakélite et son fil coloré, souvent agrémenté d’un interrupteur de même couleur, le tout totalement hors normes bien sûr. A manier avec précaution !

 

Nos remerciements à Mme Maryse Bottero, et son livre «Barbotines de la Côte d’Azur » (éditions Massin) auquel nous nous sommes abondamment référés.
En ce qui concerne l’histoire proche de Vallauris, le livre d’Anne Lajoix, «l'âge d’or de Vallauris » (éditions de l’Amateur), très abondamment renseigné et illustré lui aussi.
A signaler pour finir, un fond intéressant et très technique à la bibliothèque municipale de Vallauris.